Les Viatiques sont des tranches de vie. Avant la vie il y eut le verbe et puis la pluie. Celle qui brassa ce soir trop chaud d’été 2016 où le hasard concentra en notre nom beaucoup d’énergie. Dieu n’est pas homme, il est un magma qui lie par sa force les choses. Et cette force herculéenne, l’indien savait qu’il la puisait dans la musique.

La musique traverse l’univers, nous parvient des etoiles, des trous noirs et des galaxies et ce premier soir précisément, la musique appela tous nos proches et nos amis. Et tous répondirent. Les Viatiques sont une idée familiale de la fête à un certain degré d’exagération. 

 

Le prestige opère sur des formats à rallonge, convaincu qu’une fête n’est inoubliable que si l’avant, est autant réussi que le pendant, et l’après. L’indien était là des ce premier soir. L’indien n’aimait pas le jour et se tapissait dans la nuit.  Il ne mangeait que très peu en attendant la lune.

Le soleil lui brûlait l’esprit comme en cendres mortes et c’est quand la cabale réprimait la lumière, que le ciel devenait chevaleresque, que les basses enflaient pour assourdir la foule et décupler l’entropie, que l’indien reprenait vie. L’indien croisa un jour un elfe à la cour leyteire qui le reconnu. 

Avant que, la fête ne commence alors que Combe faisait vrombir les têtes et ceinturait les caissons, il lui confia un songe et lui dit : j’ai rêvé, j ai vu notre déjeuner a Mamaia  dans un bordel pourri près de la plage. Tu me disais reviens dans treize jours, le quatorzième jour de Mai. Les clients autour de nous se changeaient en vigne et les ceps en curés aux vilaines dents décharnés. Ses sens étaient en éveil mais son cerveau avait déménagé, comme le toit d’un sérail sur le passage d’une trombe.

L’ indien était rompu au spleen qui le scie des jours entiers. Il buvait pour se réfugier, comme recroquevillé derrière le tablier qui protège le sculpteur de la taille de sa pierre. Il travaillait au ministère des sentiments blessés. Il ne pouvait s’échapper de cette mélancolie qui lui scotchait le souvenir malheureux d’avoir quitté l’eden, ne laissant derrière qu’un pâle carré d’herbes foulée. 

L’indien ne vivait que pour le Parallel. Une vieille maison vide sans électricité ni eau courante, que deux soirs par semaine les danseurs venaient éclairer et meubler. Quand Korablev ou Korol pilotaient, le club devenait de la poésie en mouvement, la marée montait et la musique frappait le sol jusqu’à en éroder le rivage.

L’indien parlait a qui voulait l’entendre de gonzo quand ses yeux se grandissaient. Alors qu’il rentrait de vingt-cinq heures de viatiques, l’indien conduisait a tombeau ouvert sur les quais, passant devant la proue des galères des colonnes des Girondins. 

 

Il revenait d’un des hangars du Nord. Trente kilos de basse avaient ébranlé le bardage d’un entrepôt ou mille danseurs avaient toqué à la porte de l’éternité alors que Manglus jouait.Il roulait de front face  a la ligne blanche qui s’échappait dans la brume du soir et le ronronnement du moteur, des auréoles rose et bleu pâle gagnaient le ciel sur les bateaux de Garonne.

 

Il pensait aux semaines d’efforts qu’il fournissait pour une minute de grâce, et pour quelques arabesques de Raresh il en fournirait une année entière de plus. L’indien pensait aux sentiments qu’il éprouvait pendant que Thomas Melchior jouait son live sous les étoiles.

Il comprenait que l’artiste n’était pas l’homme le plus important de la foule parce qu’il était sur scène sous les projecteurs, et que tout le monde voulait le voir; il l’est parce qu’il gère les sensations de tout son auditoire et qu’en un sens il l’asservissait.

 

L’indien savait que la musique était une manière de forcer la Vérité à sortir du bois et il était certain, qu’à chaque frisson au premier rang devant les stacks, quand ses larmes abondaient en effluents pourpres et qu’il se sentait à deux pouces du sol, c’était bien elle qui le parcourait.

Il fermait alors les yeux, tendait ses bras et regardait sur l’écran noir de ses paupières, l’eau courir derrière une cadillac qui entrait sur le strip.

Respirez, vous accédez aux Viatiques

Quelques mots ici aussi :
Eclipse Collective – 08.12.2020
Electrocorp – 31.08.2019